21 juin 2016

le mot du greffier

Quelques légers soubresauts techniques pour cette session qui a été marquée par le passage en Team Viewer 11 et surtout par un hommage appuyé à ce modèle de combativité qu'était VK.

Les auditeurs habituels étaient présents auxquels est venu s'adjoindre Etienne qui malheureusement n'avait pas le minimum vital (caméra et micro) pour intervenir durant le cours.

Ce fut le dernier cours de la saison et, pour marquer le coup, le Maître nous a présenté un bon nombre de compositions féeriques. .

Ci-dessous le compte-rendu animé du Maître 

Le mot du Maître

Trois ZZ inattendus avec pièces mineures, contraignant le défenseur à une poussée... rétrécie de pion.

Un autre ZZ plus complexe du génie ukrainien, actuel champion du monde, que nous apprécions non seulement pour son immense talent, mais aussi parce qu'il ne garde pas sa langue dans sa poche. Pour comprendre le premier coup, il faut aller... au 7e. Les habituels couples de cases conjuguées RB/RN laissent ici la place à un trio de cases... correspondantes TB/CN. Ces dernières ne sont pas "conjuguées", au sens théorique du mot, puisque nous n'examinons que le trait aux Blancs. En revanche, il y a deux couples de cases conjuguées TB/RN avec le Cavalier en e8. Cette pentalogie est une des plus fascinantes que j'aie connues. Tout est, comme d'habitude dans nos travaux, entièrement compréhensible, quoique provenant de l'inhumain cybermonstre. A propos du championnat du monde (de compo d'études), je vous livre mon pronostic pour le suivant : le gagnant (récidiviste) aura les initiales OP ! (note du greffier : confirmé a posteriori à l'adresse suivante http://www.wfcc.ch/competitions/composing/wcci6res/)

Une finale de Fou et pion contre pions qui devient une étrange finale de... Dames, mais sans technique aucune ! Je voulais donner cet exercice pour la "rentrée", mais trois mois, c'est trop !

Quand l'ordinateur est -- une fois de plus -- au service du beau... Trois promotions mineures en réplique aux trois défenses principales d'une Dame noire, face à deux Tours blanches.

Le lion est mort ce soir.

Cette chanson d'Henri Salvador s'est appliquée il y a peu de jours : après la disparition du plus grand problémiste du monde (V. Roudenko), survient celle du joueur le plus combatif de l'histoire, à la longévité incomparable. Viktor Kortchnoï était, comme on l'a dit (en oubliant toutefois Kérès) le "plus fort joueur à ne pas avoir été champion du monde". Il l'eût été sans le miracle Karpov, comme Kérès sans le miracle Tal.

Il avait également la palme du courage, ayant soutenu Fischer en plein "paradis soviétique", et fini par quitter ledit paradis l'année où Judit Polgar est née, soit il y a exactement 40 ans. Deux citations, la première qu'il aimait reprendre à son compte. "Le rôle des footballeurs est d'inciter le peuple à boire moins d'alcool ; votre rôle, grands-maîtres d'Echecs, est d'inciter le peuple à lire moins Soljénitsine ! ". L'autre de S. Ivanov le décrivant parfaitement : "VK aime les Echecs eux-mêmes, plutôt que lui-même aux Echecs". Dire que cette profession de foi est devenue une rareté serait chercher une polémique qui messiérait en cette circonstance.

J'ai appris l'existence de Kortchnoï quand, âgé de 14 ans, j'étais au lycée. Il venait de gagner pour la première fois le championnat d'urss, dans sa ville de Saint-Pétersbourg (affublée d'un nom infamant à l'époque). Ce tournoi avait été une incroyable épopée, il était passé par toutes les extrémités, marquant un point au sortir du cauchemar (contre Chamkovitch), perdant en situation gagnante pour avoir effleuré une pièce et dû la jouer (contre Baguirov), devant jouer une défense Alekhine pour tenter, et réussir, de marquer le point entier contre son principal rival Geller, enfin dans la dernière ronde, où il lui fallait impérativement gagner (contre le théoricien Suétine), ayant une position également cauchemardesque avec les Blancs au sortir de l'ouverture. Mais tout se passa bien, la rage de vaincre étant, in fine, récompensée. Ce modèle de volonté et d'imperméabilité à la malchance n'a cessé de travailler dans mon esprit, pendant toute ma carrière de petit joueur.

Nous donnons quelques extraits de parties, mais nous concentrons surtout sur une autre partie contre Geller, jouée 6 ans plus tôt, quand Viktor avait 23 ans et jouait son 2e championnat (où il termina 2e ex-aequo derrière Averbach). Nous renvoyons aussi nos lecteurs (qu'il faut remercier de leur fidélité, de leur patience) aux deux victoires déjà étudiées du grand Viktor, contre Tal (cours du 26 novembre 2013) et contre Karpov (20 novembre 2012). Les Echecs étaient sa vie, Dieu ait son âme.

On remarquera la grande acuité de ses commentaires (voir du 13e au 20e coup) 40 ans avant les moteurs d'analyse. L'intérêt de faire travailler son cerveau : malgré quelques imprécisions inévitables, les commentaires, dans l'ensemble, ne se démodent pas. Au contraire, ceux recopiés des premières lignes des moteurs sont tout simplement réfutés... par des moteurs ultérieurs plus performants. Je ne vise évidemment personne !

Mais la tristesse ne doit pas nous emporter. Un programme d'entraînement pour l'été, avec quelques 2# moins simples qu'ils paraissent (sauf le 2e, soluble en 5 secondes). Le premier 3# (de 1969 !) fut intégralement plagié (position-miroir) en 2006. Mais le plagiaire, au lieu d'être couvert de honte, reçut... un premier prix dans un concours polonais ! Le second 3# ne peut prendre plus de 30 secondes à quelqu'un qui a affiché le célèbre problème de Carpenter dans sa salle à manger pendant 40 ans, mais peut demander 2 minutes de plus aux autres !!

Votre maître-bidon, qui faisait le malin sur le problème précédent, a séché quelque temps sur le 4# du compositeur anglais, dont le nom est devenu synonyme des problèmes ayant moins de 13 unités, alors que... celui-ci en comporte 14 ! Le second 4# est nettement plus facile, malgré un Roi noir très baladeur. Suit un 5# de notre grand compositeur d'origine ukrainienne, qui transpose le zugzwang réciproque du domaine de l'étude dans celui du problème.

Un aidé 2# à une seule solution, une rareté. Mais pas si facile, pourtant. Un autre, aussi résistant, avait été proposé au cours du 3 mars 2009. On reprend son souffle avec l'aidé 3#, puis de nouveau une certaine difficulté, sauf si vous avez une très bonne intuition stratégique. Enfin deux inverses, le second (guère commode) composé à l'âge de 12 ans !

Je vous souhaite un très bon été, avec beaucoup de joies artistiques et, éventuellement, sportives.

les diagrammes du Maître