Extrait du journal de bord du "2e prix vétéran-sic".
-- Le moment de vertige habituel dans l'épreuve des 2-coups. Avec ces 20 minutes qui s'égrènent et la panique de... rendre une feuille blanche ou quasi, comme à Portoroz 2002, où je n'avais résolu qu'un problème sur 3. Heureusement, je flaire le 2e comme le plus facile, ce qui se révèle exact. Dès que le mat encourageant (sur ...Tc4) est vu, j'écris la clé, je vérifie après (les ratures sont admises, nous ne sommes pas chez les fous furieux de Saint-Louis). Je fais ensuite le 3e, encouragé par la "glissade du singe" Dd1. Le premier demande un peu plus de temps, mais on sent que le mat préparé sur ...Cg6 ne sera pas changé, on peut donc donner au RN la case e5 et après, tout va vite. Je me paie même le luxe de rendre ma feuille quelques minutes avant la fin, "à la Kovacevic" !
-- Après la tension de la première épreuve, celle des 3-coups m'apparaît toujours comme une détente. Pensez donc, une heure entière pour 3 problèmes dans ce qui est censé être ma spécialité (ben non, les finales sont venues plus tard ; à 14-15 ans, je me farcissais des problèmes en 3, 4, 5 et 6 coups). Cela dit, il ne faut pas exagérer : parfois sous la plage, les pavés. Cette fois, je les ai résolus tous les trois, le 2e me demandant le plus de temps, alors que c'est sans doute le plus facile. Mais j'ai fait quelques erreurs de variantes, et n'ai pas mentionné toutes celles dudit 2e problème : il faut dire que le barême comptait un 0,5 pour une suite dualistique, ce qui est aberrant, et deux fois 0,5 pour des suites avec le même 2e coup blanc.
-- Les 3 études sont inédites, d'où la décision de les garder secrètes jusqu'à publication dans la feuille de chou pour laquelle elle sont destinées : on applique ainsi la règle stupide "à la Phénix" de demeurer dans son trou à rats, au risque de ne jamais les faire connaître à quiconque. Seule la première est vraiment dure, à mon avis. J'ai perdu carrément 2 points en m'arrêtant trop tôt dans la 2e étude, puis 3,5 points en ne plaçant pas le Roi au bon endroit au 4e coup dans la 3e. Un MVL, même dans la forme catastrophique qu'il tient actuellement, aurait sans doute fait 100%. La seule question est "qu'aurait-il fait la seconde journée ?".
-- L'aidé 2-coups a 4 solutions, il est facile d'en "oublier" une (j'adore ce terme qui taquinait Spassky, l'expression correcte étant "ne pas voir" ou "ne pas penser à" !), celle avec déplacement du RN. L'aidé 3-coups a une solution stratégique et une solution bohémienne, c'est cette dernière qui m'a échappé. La 2e solution de l'aidé 5# était aussi facile que la première, mais c'est loin d'être mon principal regret.
-- Les multicoups étaient la plus dure épreuve à cause du 4#, mais si l'on avait la force de caractère de ne pas y toucher, on pouvait marquer 10 points sur 15. Ce 4-coups sans élégance ni thème particulier aurait pu, à la O'Kelly, être intitulé "passage secret". Trois concurrents sur 65 ont découvert le secret en question, dont le nouveau champion d'Europe G. Evseev. Comme souvent, cette déconvenue crée un état de fébrilité qui interdit de juger les autres problèmes sereinement. Le 5#, stratégique, n'était pas difficile pour qui garde une lucidité élémentaire. Le 7# surtout était facile, surtout pour un vieillard nourri de Johandl, Lepuschütz et autres depuis 55 ans, qui sait mieux que personne qu'il faut donner une Tour pour un tempo ou pour une case. On voit vite l'essai 1 Ce1? Da3! puis on cherche autre chose... J'enrage pour avoir vu assez vite qu'après 1 Cd8 Rxd6 2 Cb7+ le RN doit revenir, et néanmoins, par la suite, ne pas avoir fait le lien en examinant les perspectives de la batterie Fh1 + Cf3, alors qu'en temps normal, l'intérêt d'évacuer d6 m'aurait sauté aux yeux. Murdzia s'en voulait beaucoup d'avoir séché aussi, mais il est... plus excusable que moi ! J'ai tenté de le consoler en lui racontant l'envie de me suicider quand je rendis copie blanche dans l'épreuve des mats aidés à Turku en 1995, envie qui s'effaça dès que j'appris que le champion du monde en titre à cet instant précis, A. Zude, n'avait pas fait mieux ! En tout cas, c'est la première fois de ma vie que je ne marque pas un seul point en "multicoups" !
-- L'inverse 3# est aussi une grande déception ; ayant fini trop tard par comprendre que la clé devait être laide, mais la seule possible pour réaliser une menace lente (tout de même une rareté) en éliminant le coup "fort", je n'avais plus le temps de maîtriser les 4 variantes. Je voulais jouer 1 Cd7?, tout content d'avoir pourvu le coup "fort" 1...dxe2. L'ennui, c'est qu'il n'y a pas de menace, les Noirs jouant le fameux coup fort au 2e coup !
-- Je ne suis pas même le premier "vieux débris", c'est un Finlandais qui a préféré courir vers l'aéroport, et n'est donc pas sur la photo en compagnie du Mathusalem roumain. J'ai reçu tout de même une coupe : généralement leur volume est inversement proportionnel à la valeur de l'exploit qu'elles sont censées honorer.
-- La veille du championnat avait lieu l'open, où j'ai oublié de chercher la 2e solution de l'aidé d'Abdu (donc - 2,5), alors que je l'avais quasiment trouvée en cherchant l'autre. Un vrai oubli, cette fois (voyez ci-dessus la remarque sur Spassky) ! J'ai aussi manqué bêtement une variante du 3# de Gamage, ce qui fait - 2 car il n'y en avait que 3 (c'est leur manière de diviser 5 par 3),
-- Il n'y a aucune relève de solutionnistes français, nous le savions, mais à peine rentré, je constate qu'on se plaint partout qu'il n'y a également aucune relève de joueurs français, ce que je répète depuis des lustres. Et cela en comparant les championnats de jeunes avec ceux des Russes. Ah ! Les gros malins...
-- Iasi est une curieuse ville, un peu schizophrénique, avec des faubourgs sinistres et un centre-ville futuriste somptueux. Pour les fidèles du cours, tous gastronomes, il y a de nombreux bons restaurants, certains remarquables. Le prix de l'addition oscille entre le quart et le cinquième des prix français.
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