1er octobre 2019

Pour ce cours de rentrée, avancé pour des raisons expliquées par le Maître en post-scriptum, les auditeurs habituels étaient présents à l'exception de Pierre retenu en Allemagne.

 Pour la partie en jeu normal, quelques belles finales disséquées de façon chirurgicale et une grande partie d'attaque.

Pour la partie féerique, quelques nouveautés difficiles à animer. 

Ci-dessous le compte-rendu magistral


Le mot du Maître


Aguirre 1Bernanos"Mon supérieur veut vous voir -- Lequel ? Il y a tant de gens qui vous sont supérieurs" (Cl. Eastwood dans "La sanction").

"Ich bin der Zorn Gottes, wer sonst ist mit mir ?" (Klaus Kinski dans "Aguirre"). Je suis la colère de Dieu, qui d'autre est avec moi ?

"Un monde dominé par la Force est un monde abominable, mais le monde dominé par le Nombre est ignoble. La Force fait tôt ou tard surgir des révoltés, elle engendre l’esprit de révolte, elle fait des héros et des martyrs. La tyrannie abjecte du Nombre est une infection lente qui n’a jamais provoqué de fièvre" (G. Bernanos).

"Le silence des pantoufles est parfois plus redoutable pour le pays que le bruit des bottes" (E. Jünger). On sait qu'EJ était entomologiste, mais nous aussi : les diagrammes ne sont-ils pas des papillons ?

"J'ai entendu parler d'un phénomène appelé la fatigue des Echecs, mais je ne sais pas ce que c'est. Je connais la fatigue des tournois, l'un des symptômes étant que je dors une heure de plus par nuit" (B. Larsen). Du moins quand la partie n'est pas ajournée !

"Larsen ne joue pas très bien -- Mais vous avez perdu contre lui -- Je l'ai sous-estimé -- Mais vous avez perdu une deuxième fois ! -- Cette fois, je l'ai surestimé !" (B. Ivkov).

Pendant ce temps, les Français décervelés font des concours de pronostics sur les tournois, discutaillent sans fin sur les résultats, les chances de qualification de X... ou Y..., mais sans jamais commenter, encore moins analyser, les parties !! Prono-elo-dodo. Dégénérescence.

Tour & Fou contre Tour (mon obsession de toujours, vous le savez) mais ici, un triple but : citer le lunatique et délicieux Speelman ; battre un record dans l'index avec les 19 lettres du conducteur des Blancs ; rendre hommage à un joueur titré qui sait gagner la position de Philidor (peut-être après ajournement ?). En outre, cela peut constituer un salutaire rafraîchissement de mémoire, trois ans après : pour plus de détails, reportez-vous à Caruana-Svidler dans   http://lecoursdumaitre.e-monsite.com/pages/cours/cat-2016/4-octobre-2016.html    

En Fous de couleurs différentes, si les deux pions sont séparés par deux rangées, la paire de pions-Fous ("c" & "f") est la plus forte et gagne en général. A garder à l'esprit dans l'un des plus extraordinaires écheveaux que j'aie rencontrés.

Maroczy 1Tartacover 2Trois exercices pratiques (tirés de parties de tournois) pour le prochain cours (nous reprendrons les études plus tard).

La partie la plus célèbre de Tarta, où le sacrifice d'une Tour entière prépare... le développement tranquille de l'aile-Dame. Notre grand-maître de 1953 commente en vrai français, et non, comme la plupart de nos contemporains, dans "un pidgin tel que le baragouinaient au XIXe siècle les riverains des côtes du Levant" (Fr. Léger en 1992).

Cette partie est un chef-d'oeuvre qui en 1922 fut mal jugé, mais "les juges préfèrent les combinaisons brillantes, Dieu leur pardonne", disait l'oncle Halber (-stadt), autre Français d'exception venu de l'est.

Nous commençons les féeriques par la petite énigme donnée en juin : roque, promotion et prise en passant. Puis un échiquier 9X9 et une "nouveauté théorique".

Entraînement. Les 2-coups sont de difficulté variable, mais vous devriez tous les résoudre. Les 1er, 5e, 6e (ce dernier réalisant un cycle ABC-BCA), 7e, 8e & 9e ont plusieurs essais. Attention à celui de Hoffmann qui a fait sécher deux champions du monde. Mais c'était en temps limité. Vous avez tout le temps !

Kovacevic 2Les deux premiers 3# sont offerts à votre jugement : le premier eut le 2e prix, le second le 1er. Il me semble que cet ordre eût dû être inversé. Donnez votre avis (en haut et à droite). Mais prenez le temps de les résoudre : tous deux valent la peine ! Le thème est : mats modèles de clouage. Le premier, donné au championnat d'Ukraine 2017, ne fut résolu que par deux concurrents, et incomplètement par un troisième. Le dernier 3#, plus facile, nous présente des échanges 2e/3e coups (AB-BA & CD-DC) mais sans ennui.
Larsen kak
Le premier 4# fut donné au championnat de Suisse 2017. Il nous offre 2 mats modèles et 2 autres mats purs. Le second, du grand spécialiste des difficiles inverses, est aussi très abordable. Il nous montre sept cases de la 3e rangée visitées par la Dame. Deux autres multicoups faciles, le premier d'un Français doué mystérieusement disparu (n'oubliez pas le jumeau, après la clé vous avez un nouveau mat en 5), le second du grand spécialiste du rétro qui me fit tant souffrir (mais sut me régaler) dans les années 1960-70 !

Hommage à Benkö qui nous a lâchés, avec un aidé 2,5# (les Blancs commencent et matent à leur 3e coup) en collaboration avec un habitué de notre cours. Là encore, n'oubliez pas le jumeau. L'aidé 3-coups fut donné au Grand Prix de Varsovie 2017. Le gagnant, Murdzia, n'a trouvé qu'une solution. Le suivant est heureusement beaucoup plus facile, malgré ses 3 solutions. Enfin un inverse en 3 coups avec un cycle AB-BC-CD-DE-EA sous une forme agréable.

Bonne régalade. Rdv dans quelques semaines si Deus vult.

les diagrammes du Maître



les exercices (pour le prochain cours)







post-scriptum du Maître :

Pourquoi ce cours fut-il avancé d'une quinzaine...

Venise, aéroport Marco Polo. Je prends le bus vers la gare de Mestre, pour rejoindre Trieste, d'où l'on me conduira en Croatie. Un "gentil immigré", venu d'un pays du sud (une "chance pour l'Italie"), s'intéresse à la poche gauche de ma veste, me délestant de mes cartes d'identité et bancaire. Je m'en aperçois au moment de sortir du bus, cherche un commissariat. Un flic de la gare m'en indique un à 200 mètres.

Ne trouvant pas plus de commissariat que de beurre en broche, je me réfugie dans un café. La serveuse est une gentille immigrée venue d'un pays très à l'est et au nord, nommée Li Li. Elle me dit qu'elle ne connaît pas de commissariat (je saurai plus tard qu'il n'est pas à 200 m mais à 2 km). Elle me prête son téléfon pour appeler la France et donc bloquer la carte bancaire. Elle refuse que je paie la boisson et le téléfon (!), devant la patronne du café qui ne proteste pas. Merci Li Li. Elle appelle un flic à l'aide.

Celui-ci me conseille de revenir vers la gare où se trouve une "police ferroviaire" que j'avais repérée mais qui m'avait semblé fermée. Je m'apprête à faire une déclaration de vol, mais le planton me la refuse, prétendant que la seule personne capable de la faire ne sera là que demain matin. Je sors sans réaliser ce que cela implique, réussit à joindre ma famille à Trieste, sceptique sur la possibilité d'obtenir un document permettant de passer en Croatie (qui est "dans l'Europe" sans y être).

Je retourne vers le flic incapable, qui me dit que je pourrai avoir un tel document au consulat de France à Venise, mais seulement... demain après-midi. Ma famille décide de me rejoindre à Mestre. D'autres flics se baladent dans la gare, payés à ne rien faire. Je raconte ce qui m'arrive, demande s'ils trouvent normal qu'on me refuse un document nécessaire, ne serait-ce que pour avoir une chambre d'hôtel. Un crétin me répond que c'est la "loi italienne". Ma réplique : "La loi italienne fait dormir un heptagénaire dans la rue".

Trois heures plus tard, Madame est arrivée à Mestre et a réussi à réserver un petit studio. Pour m'y faire admettre, elle a retrouvé sur son haïpède, par je ne sais quel miracle, une photocopie de ma carte d'identité volée. Le lendemain, le gymkhana dans le labyrinthe vénitien nous demandera plusieurs heures : pour corser le tout, l'adresse du consulat sur l'internet est fausse. Et bien sûr, on nous dira qu'il est impossible de nous fournir un papelard susceptible de me faire passer la frontière croate. Ma très chère, qui n'y croyait pas vraiment, conclut qu'il n'y a plus qu'à me ramener à Cannes.

Confectionner une carte d'identité demande un mois et demi. Dont deux semaines pour obtenir un acte de naissance, alors que plusieurs documents, sans même parler de ladite photocopie, attestent que j'ai déjà dû en fournir un en bonne et due forme. Vive la France, vive l'Italie. Vous me direz que ça me change de la ligne 13 du métro parisien. Pas vraiment. L'Europe envahie et dégénérée, c'est idem.


Daniel :

Mon seul réel séjour à Venise date de 2003 et est un excellent souvenir.

Mais historiquement, la première fois que je mis les pieds à Venise était à l'occasion d'une halte ferroviaire (train couchette pour un voyage de 2j et 2 nuits), de retour du championnat international des Cheminots qui se déroulait en Bulgarie à Varna.
Détail amusant, le dessin humoristique fait à l'époque pour cette occasion est visible sur la photo d'accueil "de lecoursdumaitre" à côté de l'échiquier mural, mais pas assez nette pour être avantageusement zoomée.
J'étais encore junior à l'époque et l'équipe était composée entre autres de Benoît et Savalle bien connus d'Alain. Heureusement, c'était lors du voyage retour car lorsque je posai les pieds sur le sol italien, mon portefeuille avait déjà disparu !
J'eus ensuite le souvenir qu'au cours de la nuit, quelqu'un affublé d'une casquette et voulant grossièrement faire penser au contrôleur était entré dans le compartiment "pour prendre une couverture".
C'est par l'expérience que se forme la jeunesse.


 

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